Dans les chapîtres suivants, Vuylsteke dresse le portrait de seizes homos Marocains vivants au Maroc, à Paris ou en Belgique:
2. L’homme et l’enfant, Paris et Salé
Abdellah Taïa est un jeune romancier. Son histoire est très touchante. Il a été contraint de quitter sa famille comme son pays pour s’exiler en France. Pour sa famille, aucun argument n’était valable pour justifier son homosexualité. Ce qui le place dans une colère contre une famille qui l’a rejette à cause d’une orientation sexuelle. Ses propos sont lourds de sens quand Il reconnaît et affirme avec gravité « devoir vivre à Paris pour être libre ».
3. Le cadeau du dictateur
Karim Nasseri est écrivain. Sa participation et son apport au débat sont importantes. Il avoue avoir été abusé par un père violent dont les viols ont participé a jeté l’opprobre et le discrédit sur l’amour hétérosexuel.. Comme le jeune romancier Abdellah Taïa, l’exil ouvre à la liberté.
La liberté découverte en France, pays des droits de l’homme; doute que son ‘outing’ ait une grande influence sur les homosexuels marocains: les réalités françaises et marocaines sont trop différentes, et en quelque sorte il est trop facile de le faire quand on est en France. Karim Nasseri écrit un livre sur ‘homosexualité et islam’.
4. L’arme d’un amour pour la vie (Casa)
L’histoire de Malek (25), qui a parlé de son homosexualité à sa maman très tôt. Elle lui a dit qu’il doit promettre trois choses: de toujours se protéger, de ne rien dire aux proches de la famille et de ne pas faire l’amour avec des gens de sa communauté. ‘Mon amour tu ne pourras jamais le perdre, tu resteras toujours mon fils. L’amour des autres en revanche, ce n’est pas si sûr.’
-Une grande peur des violences vis-à vis- des homosexuels au Maroc.
-Convaincu qu’il se mariera à un homme, au moins dans sa tête. Le certificat de mariage même n’a aucune valeur pour lui, étant enfant d’une mère divorcée.
-bien éduqué {?}, bon travail.
5. Il y a un temps pour tout, maintenant c’est pour l’argent (Essaouira)
Saïd (24), une star et un prostitué de luxe qui propose la vente des services comme masseur sur internet, fait la navette entre Essaouira à Marrakech pour ‘le travail’, se fait bien payer par des hommes européens un peu plus âgés mais riches.
– Il formule le projet de se marier et d’avoir des enfants parce que, argumente-t-il, une vie sans progéniture correspond à un grand échec.
– Il envisage même d’immigrer en Occident, s’installer dans un cadre luxueux et au besoin ne plus vivre avec un homme âgé afin d’éviter des soucis à sa famille.
-Il ne s’inquiète guère pour l’épouse malheureuse qu’il n’aimera pas. Les femmes sont faciles à satisfaire et une fois maman elles ne pensent qu’au luxe (voiture, belle maison). Il prendra un amant à côté.
-Il vient d’une famille pas très aisée, il est peu scolarisé et reste sans vrais revenus.
6. Les pères ne perdent jamais complètement (Essaouira)
Nabil, originaire de Marrakech, a été contraint de chercher un boulot à Essaouira que pour échapper à sa famille et au contrôle social. Il a connu l’amour de sa vie avec un homme européen et y croit. Mais sa famille/communauté l’obligera de se marier une fois la trentaine passée. Il voit cela comme une tragédie inévitable.
Parler à ses parents de son homosexualité est impensable, même s’ il les voit comme très modernes et chouettes (les sœurs peuvent sortir en boîte par exemple). La seule issue qui s’impose est l’exil avec pour prétexte d’aller chercher du travail.
7. Le naufragé et son rocher (Marrakech)
Issu d’une famille très pauvre et peu scolarisé, Sami habite dans un appartement de luxe avec son copain français, pas vieux, mais plus âgé et aisé.
Entre eux, c’est le clash des cultures: le français ne comprend pas pourquoi son ami doit faire le ramadan alors que l’islam condamne les homosexuels.
La maman de Sami est déjà venue chez eux et s’est comportée correctement, mais le français n’est pas sûr qu’elle soit sincère.
Un aspect indéniable est celui de la pauvreté abandonnée: maintenant Sami part en vacances à l’étranger. Il vit bien, il a un job et il est jeune. (Mariage après?)
8. Egorger et enlever la peau – la matrone et la pute (Marrakech)
Hassan (23), issu d’une famille extrêmement pauvre, à dû travailler déjà à l’âge de 8 ans chez un artisan du souk. Cet artisan l’a régulièrement violé. Hassan fuit la maison mais y retourne après d’autres mésaventures. Sa mère, autoritaire, ne s’intéresse qu’à l’argent que son fils ramène. Celui-ci commence à faire les trottoirs. “Si on peut être violé sans être payé, vaut mieux se faire payer quand-même.” Hassan est arrêté trois fois (jamais en flagrant délit, seulement au mauvais endroit au mauvais moment) et arrive trois fois en prison où son traitement est inhumain. Il devient séropositif et retourne chez lui, et développe une haine contre sa mère.
9. Entre Dieu et le sex payé (Marrakech)
Saâda (21), étudiant de bonne famille, discriminé { ?} à l’école depuis tout petit, est extrêmement instable et anxieux. Très bon étudiant, il a cherché du réconfort dans la prière pour échapper à son énorme solitude. ‘Il n’y a que Dieu qui me comprend’. Il écoute les cassettes d’un prêcheur égyptien, un fanatique, et vote pour le parti islamiste. Il pensait qu’il était le seul homo au monde et sait que Dieu n’approuve pas de telles pratiques. Il se trouve face à un dilemme gigantesque: il promet à chaque fois qu’il ne commettra plus jamais ce ‘pêché’, mais c’est plus fort que lui. Dit qu’avec le soutien de Dieu il va ‘guérir’. Mais il commande des putes homo sur internet, après quoi il demande pardon à Dieu dans la mosquée. Saâda est très radical en religion: le danois qui a fait les caricatures du Prophète Mahomet mérite la peine de mort conformément à la Charia.
10. Ce qui ne me tue pas, me renforce (Rabat)
Tahi (19), jeune bloggeur, très ouvert, très convaincu de ses opinions, a totalement ‘digéré’ son homosexualité personnellement, mais sa mère divorcée est très autoritaire. Elle l’envoie chez des psys et le contrôle totalement. Il ne peut sortir de la maison que pour aller à l’école. Elle a lu ses cahiers et est au courant de l’homosexualité de son enfant. Après plusieurs tentatives de suicide il pense à l’exil comme issue, il déteste la mentalité marocaine et admire Taïa qu’il prend comme modèle. Il a des amis homos et veut devenir écrivain. Il passe son temps libre à rédiger des poèmes.
11. Des castrés viriles et des homos pendus
-On ne peut pas vivre au Maroc en tant qu’ homo. L’écrivaine Baaha Trabelsi est totalement ignorée quand elle publie son roman ‘une vie à trois’, qui raconte la vie d’un homme riche qui a suivi sa scolarité dans les meilleures écoles en France, qui rentre au pays pour se marier afin de faire plaisir aux parents. Puis il dit à sa jeune femme un peu naïve qu’un de ses amis viendra loger chez eux quelque temps.
-Trabelsi n’a pas d’interview à la télé. La radio veut bien l’inviter mais seulement si elle promet de ne jamais prononcer le mot homo.
-Le cinéaste marocain, Abdelkader Laagta, qui vit à Paris, a lui aussi de grands problèmes pour le tournage de son film ‘La porte close’, sur un jeune instituteur qui doit travailler à la campagne, ou le seul autre instituteur est un homo qui finit par se suicider. Puisque personne ne veut jouer ce personnage, il a dû faire venir un français. La fédération des enseignants marocains voulait l’interdiction du film puisqu’un instituteur ne peut être un homo. Le film n’est jamais sorti en salle, et a seulement été projeté à des festivals.
Nabil Ayouch a de grands problèmes avec la censure pour son film ‘Pour une minute de soleil en moins’, avec comme seul personnage ‘humain’ un travesti.
12. Un refugié politique en version améliorée et espagnole
Nanou (traduit en français), un des raflés de Tétouan. Il part finalement en Espagne où il se réinvente.
13.Le royaume des mères. (Bruxelles)
Arezki (35) est venu pour se marier avec un belge. Il a un bon diplôme et un travail bien rénuméré. C’est le manque de liberté personnelle et sexuelle et l’autorité de la mère qui lui pèsent, ainsi que le machisme arabe .
14. Un homme est un chien est un homme est une pute. (Bruxelles)
Soufian (32), originaire de Casa, licencié en économie, a été fort maltraité dans son enfance par son grand frère parce qu’il mangeait d’une façon ‘efféminée’. (Pendant deux semaines on l’a emprisonné tout nu dans la salle de bain, on lui posait une assiette par terre pour manger).
Il part en Europe avec le grand amour de sa vie, qui rentre au pays après leur voyage. Illégal, il tombe dans la prostitution. Finalement il a la chance de se marier avec une fille par pitié. Il restera traumatisé par les cruautés subies durant sa jeunesse.
15. Un enfant unique et même pas le leur (Belgique, Flandres)
Fourad (26) est enfant unique. Papa et maman travaillent toujours, lui est toujours avec ses amis flamands, quand à 17 ans, il tombe amoureux. Il met ses parents au courant, qui le chassent de la maison familiale. Ils ne veulent rien comprendre et entrent en colère quand il a osé leur demander de ne pas se laisser faire par ce que pensent les autres. Les services sociaux belges ne veulent pas l’aider: il doit commencer un procès contre ses parents, pour qu’ils paient sa scolarité ce qu’il refuse. Il est alors obligé à travailler, malgré ses rêves d’études. Emotionnellement il va très mal, il finit dans un hôpital dans une condition grave. Seulement à ce moment-là les services sociaux se montrent prêts à l’aider.
Il ne voit plus ses parents, jusqu’au moment où son père a une crise cardiaque et demande à la police d’aller le chercher. Il se rend à l’hôpital, la rencontre est très émotionnelle. Ils se revoient depuis, mais jamais ils ne demandent des nouvelles de sa vie personnelle.
16. La mort et un pêcher d’enfance (Bruxelles)
Samia raconte l’histoire de son ami Abdou (37), qui s’est suicidé dernièrement. Ils sont des immigrés de la deuxième génération, et des amis depuis l’école primaire. Samia a toujours su que Abdou était homo et était très opposé à l’idée de son père de faire marier son fils à une fille de village, qui va le ‘guérir’. Dépourvu de résistance morale face à un père autoritaire, Abdou est d’accord et pense que son père sait ce qui sera bien pour lui.
Il se marie et devient père de deux enfants mais rien ne change, il mène une double vie et voit son amant en cachette. A un certain moment il n’en peut plus et déménage au grenier, puis veut un divorce. Le père dit qu’il doit attendre le moment que les enfants sont adultes.
Un soir il se suicide dans la baignoire. Sa mère n’y comprend rien. Pourquoi tu n’as rien dit, mon fils, se demande-t-elle.
17. Le luxe d’un silence tolérant (Casa)
Ali vient d’une famille très aisée, il a été élevé en français et a souvent voyagé à l’étranger. Ses parents sont plutôt laïques. Ali travaille comme journaliste et vit seul (avec des intermezzos de retour chez maman quand il n’a plus d’argent). Il trouve que tout se passe bien. Maman ne sait pas vraiment qu’il est homo mais ne demande rien et ne le force pas à se marier. Ses sœurs et frères to}lèrent et acceptent l’orientation sexuelle de leur frère. Pour lui, parler à maman n’est pas important.
Il ne voit pas de grandes différence entre sa vie et celle des homos en Occident, mais se rend compte qu’il a de la chance: il est économiquement indépendant. Le mieux, dit-il, c’est le fait que de plus en plus de femmes doivent travailler. Ainsi elles n’ont plus le temps d’espionner les autres, le contrôle social s’affaiblit et ainsi tout évolue dans le bon sens.